A PROPOS DE LA POLITIQUE
- Article du 25 mai 2007 // A PROPOS DE LA POLITIQUE
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" Jamais deux sans trois", que mes amis me supportent en évoquant mon père, pour la troisième fois,sur un sujet aussi important que celui de la politique.
"Réussissez coûte que coûte dans vos études,et surtout ne faites pas de politique",nous disait-il. Son parcours d' homme illettré,durant la période coloniale,fut très riche en enseignements pour lui.Très tôt, il comprit qu'il devait faire vivre sa famille,à la sueur de son front. Ce qui l'avait amené à pratiquer de multiples professions accessibles au commun des mortels. Il fut même conducteur de diligence,sur de longues distances,pour finir par se stabiliser comme artisan cordonnier. Son voisinage professionnel et son entourage amical comprenaient des personnes du bas et moyen niveaux, et quelques privilègiés. Parmi ces derniers,quelques têtes étaient versées dans la politique.Tout le loisir lui était donné d'observer les efforts consentis par les uns pour assurer leur survie,et les intrigues menées par les autres,pour parvenir à des titres de notorièté publique. Autant il se rapprochait des premiers,autant il évitait la compagnie des seconds, à cause de leur comportement bas et fourbe. Tout esprit bien intentionné était automatiquement honni par la meute hurlante et surveillé de très par l'administration coloniale. Malheur à celui qui osait défendre les intérêts cruciaux des citoyens. Par contre,il était plus facile de soulever ceux des bêtes. Lors d'une campagne électorale, un candidat aux élections municipales,lançait à son auditoire rural: "l'affaire des abreuvoirs pour désaltèrer vos animaux, est notre préoccupation". Comme quoi,les problèmes de travail,de soin et d'éducation n'existaient pas à l'époque. Ecoeuré et résigné,mais lucide,notre père fit des mains et des pieds,pour nous faire inscrire successivement à l'école indigène,devant faire face aux 4/5 des enfants scolarisables,le 1/5 restant, comprenant les enfants français plus quelques fils de privilègiés autochtones, était pris en charge par une structure écolière de la même taille que celle des indigènes. Il voulait à tout prix nous faire assurer un avenir "radieux",par l'accès à une carrière d'instituteur ou de cadre subalterne de l'appareil judiciaire. Ravis étaient les élèves qui obtenaient leur certificats d'études primaires (C.E.P). De ma classe de passage en 6ème du collège,nous étions quatre à être proposés par notre instituteur. L'esprit d'émulation et de compétition entre les enseignants des deux écoles fut la raison de notre succès. Plus de vingt ans après, j'ai eu l'occasion,par un heureux hasard,de revoir mon maître devenu directeur d'école ,dans un patelin situé à une centaine de km au sud de Paris.Il fut ravi,autant que moi,de nos retrouvailles. Moi et mon frère plus âgé,avions dérogé à la recommandation de notre père, à savoir de ne pas se lancer en politique.Nous l'avions fait,nous eûmes tort,puisqu'aucun de nous deux n'y avait reçu le moule adéquat.Plus que cela, nous étions façonnés pour l'échec,qui tirait son fondement d'un autre échec qu'avait prédit notre père.C'est celui de la gestion du pays indépendant. Durant la guerre de libération,notre père,qui à aucun moment ne nous ait sommé de ne pas participer à la résistance,disait:"le pays sera indépendant sans aucun doute,mais il sera mal gèré". Il n'était pas politicien,mais il en avait le flair.
Deux handicaps majeurs ne permettent pas la réussite en politique,une honnêteté sans faille et un engagement excessif.Ces deux élèments gênent vos subordonnés,vos égaux et vos supérieurs,en politique.